« PORTRAIT DE FAMILLES : Réussir : un devoir ? », un film de Claire Leisink et Eléonore Manéglier, jeudi 17/11 à 20h35 sur Gulli
La famille est un miroir de la société. Elle vit les mêmes tribulations, doit se poser les mêmes questions, répondre aux mêmes maux. C’est là, dans cette vie de famille, que s’exerce notre responsabilité de parents pour élever les citoyens de demain. Que leur transmettre ? Quelles valeurs ? Quel regard sur notre société ? Comment les préparer au mieux à la vie qu’ils mèneront une fois adultes ?
Chacun répond différemment à ces questions. Chacun adapte l’éducation qu’il donne à ses enfants en fonction de ses valeurs et de ses priorités. Ainsi, chaque famille peut-être considérée comme un laboratoire d’expérimentations. Chaque famille peut devenir une source d’identification et d’inspiration pour les autres.
Parmi les choix fondamentaux, il y a celui de l’école. Il sera déterminant pour le bonheur de l’enfant, son avenir, sa réussite. Il pose, en filigrane, cette question : que veut dire réussir ?
Aujourd’hui, la compétition est partout. Le chômage des jeunes atteint des niveaux record et très tôt, les parents sont inquiets pour l’avenir professionnel de leurs enfants. Alors certains font le choix de les pousser vers l’excellence, d’en faire des « bêtes de concours », des petits génies de l’informatique dès la maternelle qui deviendront des chefs d’entreprise côtés au CAC 40. Ils les soumettent à une obligation de réussite. Comment leurs enfants vivent-ils un tel choix ?
Mais pousser ses enfants vers l’excellence, est-ce la seule façon de les amener vers la réussite ? Est-ce qu’en faire des êtres épanouis, les éduquer en s’appuyant sur leurs capacités propres, en tenant compte de leur personnalité, les amener à « devenir ce qu’ils sont » ne serait pas aussi un choix cohérent, quitte à s’éloigner des sentiers de l’éducation classique ? C’est l’option prise par certains parents.
A travers le portrait de quatre familles, ce documentaire est la confrontation de philosophies d’éducation radicalement différentes : pousser ses enfants vers l’excellence coûte que coûte dans tous les domaines ou leur laisser le temps de se réaliser en misant sur le fait qu’ainsi, ils ne pourront que réussir.
Elios ou la course à l’excellence
L’école privée de Tersac (47-Lot et Garonne) propose depuis une vingtaine d’années une formation d’excellence avec un objectif de 100 % de réussite au bac. Les principes : un enseignement suivi (tutorat, étude, effectifs réduits dans les classes), un code d’honneur (uniforme, cours de moral et de bonne conduite) et l’internat. L’année à Tersac coûte 17 000 euros. La famille d’Elios, et notamment la maman, a fait ce sacrifice financier, car pour elle, l’éducation n’a pas de prix. Elle aimerait que son fils intègre Sciences Po et devienne interprète. Elios est en accord avec ce projet mais connaît des problèmes de discipline et travaille peu à l’école. Son arrivée à Tersac lui donne des cadres stricts. Il est suivi tant au niveau comportemental qu’au niveau de ses résultats. L’enseignement à Tersac passe par des notes, des punitions, des devoirs, et des journées très longues Comment vit-il sa vie à l’internat ?
Faut-il prôner la réussite à n’importe quel prix ? Peut-il sacrifier une partie de sa jeunesse au nom de la réussite ?
Maryline ou la réussite par le sport
Maryline a 15 ans et elle est passionnée d’équitation. Son projet : devenir cavalière professionnelle. Sa maman Florence soutient sa fille à 100 %. Elle lui a acheté un cheval, un camion pour transporter le cheval en compétition et depuis cette année, elle l’a inscrite en sport études. Ce choix est un sacrifice financier important. L’année dans son centre équestre d’excellence coûte 12 000 euros. C’est aussi un sacrifice familial. Maryline est en internat à Lons-le-Saunier à 450 kilomètres de chez elle (Luc-en-Provence), elle ne rentre plus que de temps en temps le week-end. C’est enfin un sacrifice personnel pour Maryline. En effet, elle doit mener de front ses études et son projet sportif. La pression est lourde pour une si jeune fille. Elle grandit avec un objectif de performance, avec peu de temps pour s’amuser, et avec le risque de voir un jour ses espoirs s’écrouler. Va t-elle tenir le coup ? Peut-elle sacrifier une partie de sa jeunesse pour réaliser son rêve ? Sa mère va-t- elle supporter l’éloignement et le poids financier que lui impose ce projet ?
La famille Freinet : l’épanouissement par l’école
Chloé et Xavier ont quatre filles. Toutes ont été ou sont scolarisées dans une école Freinet à Marseille. Les parents ont même déménagé pour les inscrire dans cette école. La pédagogie Freinet : pourquoi ils y croient ? C’est une pédagogie où la compétition scolaire n’existe pas. Tout est basé sur l’épanouissement de l’enfant en respectant son rythme d’apprentissage mais aussi en valorisant son esprit de citoyenneté, d’autonomie et de travail en collectivité. A la maison, les valeurs sont les mêmes que celles prônées en classe. Ecoute des enfants, responsabilisation dans les tâches domestiques, prise de parole et jeux en famille. Leurs filles vivent-elles une enfance heureuse ? Cette éducation les prépare-t-elle pour demain ? Les deux plus grandes sont désormais au collège et au lycée classique : comment se sont-elles adaptées ?
Que reprochent-elles aux deux systèmes ?
L’école à la maison : l’instruction comme ciment de la famille
A Saint-Cloud, la famille Vincent a choisi de pratiquer l’instruction en famille. C’est Valérie, la mère qui joue le rôle de professeur. Les Vincent ont sept enfants. Les deux premiers ont intégré l’enseignement supérieur. Les cinq autres apprennent à la maison. Ils ne suivent pas les programmes scolaires, ils n’ont pas de devoirs et pas de notes. Chaque enfant apprend à son rythme, en fonction de ses goûts. Mais, dans la famille on pense bien sûr aux examens. Baptiste prépare le BAC S par exemple. Sa mère le suit particulièrement.
Et en dehors de la famille ? Les enfants se retrouvent une fois par semaine avec d’autres familles « non-scolarisées ». Ils font des activités de plein air ensemble. Baptiste et Hugo ont un groupe de musique avec des amis qui sont inscrits dans des écoles classiques. Ce choix éducatif est autorisé : contrairement aux idées reçues, en France, c’est l’instruction qui est obligatoire et non l’école.
Cependant, tous les ans, la famille Vincent est inspectée, comme une école, et les rapports d’inspection se font de plus en plus sévères. Les enfants Vincent sont-ils plus heureux ainsi ? Leur mère est-elle le meilleur professeur ? Une telle éducation les prépare-t-elle à l’avenir ?
Pourront-ils s’intégrer au monde des adultes et du travail ?
L’avis des spécialistes
Philippe MEIRIEU – Pédagogue et essayiste
Philippe Meirieu a été instituteur, professeur, rédacteur en chef des « Cahiers pédagogiques ». Il participa à la création des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM). Il a consacré une bonne partie de sa vie aux questions pédagogiques. Il met en avant le fait que chaque élève est différent et il propose d’utiliser la pédagogie différenciée. Depuis toujours, il s’implique dans tous les grands débats publics sur l’éducation en France. Avec son expérience, Philippe MEIRIEU pourra répondre à tous les questionnements des parents sur leurs projets pédagogiques.
Alain SOTTO– Psychosociologue et neuropédagogue
Alain Sotto, s’est spécialisé dans les stratégies d’apprentissage pour enfants et adultes. Notamment Directeur de l’Association de recherches en neuropédagogie (ARN), il est l’auteur, avec la pédagogue et écrivain Varinia Oberto, de Dénouer l’échec scolaire (Desclée de Brouwer, 2004). Cet ouvrage, résultat d’une pratique de quinze ans avec des enfants précoces ou en difficulté scolaire, fonde une véritable pédagogie de la réussite. S’appuyant sur des cas concrets, les auteurs s’interrogent au travers d’un dialogue sur les principes d’une construction harmonieuse de l’intelligence. Ils ont également co-écrit Donner l’envie d’apprendre – Comment aider vos enfants à réussir à l’école ? (Ixelles éditions – août 2010)
PORTRAIT DE FAMILLES : Réussir : un devoir ?
Un film de Claire Leisink et Eléonore Manéglier